WARHOL
La série Warhol-Art de Jihel
Passionné par le génie du Pop Art Andy Warhol, et collectionneur de tout ce qui touche de près ou de loin cet artiste, je me suis heurté à une série inimaginable de sérigraphies et cartes postales créées par un artiste Français du nom de Jihel, j'ai réussi par plusieurs sites aux enchères et deux galeries Françaises, à me procurer sur une période d'environ dix ans, la série complète des cent sept dessins et également huit sérigraphies sur papier japon. Très souvent pour les cartes postales le chiffre de cent numéros est annoncé, c'est une erreur. Outre la double numérotation du dessin 14, c'est donc le chiffre de 107 cartes qu'il faut retenir, les collections de STAUB Michel de Munich et de GENDRON de Paris alignent le même chiffre. Seul Michel RUST, collectionneur Warholien parle de 108 cartes mais il doit comptabiliser une carte sur Warhol avec Madonna s'approchant terriblement de la série mais n'en faisant pas partie.
Pour les sérigraphies je n'ai pu en visionner que 76, mais elles sont souvent hors de prix quand on a la chance d'en apercevoir en vente.
La représentation des artistes de cet ensemble tient compte du fait que Jihel est plus reconnu à l'étranger qu'en son pays la France, les plus gros collectionneurs se trouvant aux Etats Unis, au Royaume Uni et en Allemagne, il a donc dû travailler sa série pour le marché Américain et Anglo-Saxon en y mêlant une pointe de nostalgie de sa jeunesse.
L'étude de Bousseton est intéressante car elle transpose sa recherche par rapport aux modèles-photos exploités et donne ainsi quelques dates précises. Je vous invite à lire cette étude facilement accessible sur des sites consacrés à Jihel mais également sur un site consacré à Warhol où il suffit de s'inscrire pour y avoir accès. Un forum sur ce dernier est également intéressant car on apprend beaucoup de choses sur Jihel. Bizarrement cette étude ne figure pas sur le site de l'artiste lui-même, certainement une histoire de droits liés à l'auteur.
Je ne peux néanmoins m'empêcher de citer Bousseton sur certaines contradictions entre les deux artistes "On peut s'interroger sur les motivations qui ont poussé Jihel à titrer cette série Warhol art, ces deux créateurs ont foncièrement peu en commun. Mis à part la technique employée pour réaliser leurs œuvres respectives, leurs ambitions artistiques diffèrent radicalement" mais aussi "Tandis que Warhol exploite la renommée des stars du cinéma ou de la musique, tandis qu'il tire parti des personnalités historiques et autres célébrités du monde politique ou scientifique pour maintenir son extravagant train de vie, la démarche de Jihel fait part d'une autre intention. Ses portraits n'ont pas pour but de l'enrichir. Il faut plutôt voir dans cette galerie un hommage aux représentants de la chanson engagée"
Baudrillard dira à propos de Warhol et de la marchandisation que le jeu cynique de l'artiste est trop conscient mais n'en est pas moins un choix héroïque. Cette phrase je la dédie à Jihel par superposition.
En effet la ligne de création de Jihel est à l'opposé de celle de Warhol, c'est incontestable, mais un point les rattache néanmoins, cette ligne errante qui les entraîne dans une vie perturbée et perturbante où la mort est omniprésente et le suicide artistique en contre-jour, cette reconstruction qui les pousse l'un et l'autre vers des lieux de création où le mouvement est mensonge et féerie. L'ironie de Jihel sur la transparence positive de l'art est un pied de nez aux censeurs de toutes sortes, il inflige sa décision dépressive de l'imprécision et de la sorte apparait comme un héros inclassable. La répétition et la quantité dans l'exagération font d'eux des complices de notre passion de collectionneur. Point positif, la qualité est au rendez-vous.
En parlant de dessins, de sérigraphies, de lithographies, on oublie trop souvent les tableaux de Jihel, sa formation c'est la peinture et même si l'on en voit peu, je peux dire ici que ses œuvres sont d'une qualité rare.
Petite précision sur la série Warhol-art, il semblerait que le premier dessin date de 1979 et le denier de 2011, une série de plus de 25 ans de gestation, c'est pas courant et peu commun chez cet artiste, on cherche à comprendre l'uniformité de cet ensemble. Warhol était donc vivant quand Jihel s'attaqua à cette série, mais le suivi de la numérotation n'a pas de sens, le numéro 35 a été fait en 1999 alors que le numéro 24 a été conçu en 2008, brouillage courant chez Jihel m'a t-on précisé, soit.
L'intérêt de cette série se trouve dans la manière de travailler, à l'identique de Warhol c'est certain, mais aussi par les modèles choisis, d'accord pour Marilyn ou Lennon, mais Tachan ou Dominique Grange, c'est assez surprenant. La patte de JIHEL qui cherche à se démarquer très certainement en faisant vivre son militantisme si on peut l'appeler ainsi. De la sorte, il impose aux collectionneurs outre Atlantique ses personnages fétiches.
Éditées en 30 exemplaires numérotés et signés aux Editions du Triangle, c'est vraiment peu mais Jihel s'expliquera souvent du faible tirage de ses créations et ce en général, non pas qu'il ne pourrait pas en vendre plus et même beaucoup plus, mais c'est sa manière à lui d'aller vite et de pas s'encombrer de stocks, il faut dire qu'il se déplaçait beaucoup et souvent, il fallait donc écouler les tirages très vite.
Petit oubli de Bousseton dans son étude, les cartes postales ne sont intervenues qu’après un tirage sérigraphique de grand format en quelques exemplaires sur papier japon, c'est sur les conseils de Jean Claude BAUDOT, un amateur éclairé et collectionneur d'originaux de Jihel que cette série vit le jour. L'image réduite au format 10 X 15 perd alors un peu de sa visibilité par rapport aux estampes de grand format.
La conception de cette série est souvent artisanale et se fait en plusieurs étapes, un fond répétitif travaillé souvent à la bombe, ce dernier placé sur une plaque amovible pour créer les ombres, puis c'est par ajouts successifs, pochoirs, sérigraphies, retouches à la main, tampon etc. que l'image prend forme, souvent plusieurs passages d'encre donnent au dessin une profondeur ou un flou voulu par l'artiste, on est bien loin des procédés mécaniques de Warhol, nous sommes chez un artisan pas dans une usine (La Factory)
Cette petite étude doit beaucoup à la lecture de l'analyse pointue faite par Patrick Bousseton, ces images de Jihel, à présent familières prennent un sens inattendu dans le contexte des œuvres de Warhol, naturellement moins connues elles n'en ont que plus d'attraits et de valeur.
Finalement le Pop-art n'est que le dérivé actif des cubistes et des papiers collés détournant la fonction plastique de l'objet. Jihel a voulu ainsi même si Bousseton n'en fait pas état, privilégier l'art dans son aspect le plus banal et le moins anonyme. Pari réussi, cette série est une des plus intéressante et marquera son temps par la contradiction d'une démarche artistique en suspens.
Luc COURTAISY
collectionneur
Jersey.