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AIGLEMONT

La colonie anarchiste d'Aiglemont dite aussi de communisme expérimental ou plus simplement l'essai.

 

Aiglemont est une commune du département des Ardennes qui reste gravée à jamais dans la mémoire collective des libertaires.

 

Après la dure période des attentats anarchistes de 1892-1894 et la répression qui s'ensuivit, des hommes eurent l'idée de fonder des lieux de vie libre, associations d'anarchistes militants ou d'idéologues épris d'une liberté sans limite, les membres de ces communautés sont politiquement très engagés et se rassemblent dans des petits édens ouverts et accueillants mais également très fermés car l'arrivant ou colon doit se trouver en rupture totale avec le monde moral.

 Outre Aiglemont qui est le sujet de cette planche, d'autres lieux en France eurent ce même élan, Le Milieu libre de VAUX ou la clairière de VAUX à Essômes sur Marne serait la première communauté anarchiste de France (1902-1907) , la ruche de Sébastien Faure à Rambouillet, Saint Germain en Laye, La Rize, Liéfra dans l'Aube ou encore le chantier agricole féminin de Bagneux etc...Ces communautés fonctionnent selon le principe philosophique anarchiste et sont des laboratoires d'idées.

 

En juin 1903, Jean Charles Fortuné HENRY dit "Fortuné" va tenter une expérience communautaire, il commence par louer un pré humide et marécageux dans la clairière du vieux Gesly, il y installe à la hâte une cabane de branches et de feuillages recouverte d'argile, défriche le terrain autour et creuse un étang en canalisant et déviant un ruisseau.

 

Il me parait important de situer rapidement le fondateur de cette colonie, Fortuné est né le 21 août 1869 à Limeil-Brévannes, il était le fils ainé de Fortuné HENRY condamné à la peine de mort par contumace pour son rôle pendant la commune de Paris, il est également le frère de Emile HENRY guillotiné en 1894 et avec lequel il fut élevé en Espagne lors de l'exil forcé de leur père. Après une rupture violente avec les socialistes en 1891, il milita activement pour l'anarchisme en parcourant la France de réunions en meetings. Il fut condamné à plusieurs reprises pour antimilitarisme et insultes envers le Président de la République Sadi CARNOT, ses phrases devenues célèbres sur "Le Jean-Foutre CARNOT" ou encore traitant l'armée "d'école du crime" et ses officiers de "souteneurs" lui valurent de nombreuses incarcérations.

Il fut un membre influent de la ligue antimilitariste avec LIBERTAD et YVETOT.

C'est en voyageur de commerce pour le compte de la Pharmacie centrale de Paris que Fortuné découvrit ce vallon perdu dans la forêt des Ardennes et que lui vint l'idée d'y créer une colonie libertaire.

Notre homme est intelligent et cultivé, sa force de persuasion n'en est que plus grande et on peut penser que l'exécution de son frère déterminera sa conviction de détruire la société capitaliste par le pacifisme.

 

Il s'installera donc seul en 1903 avec sa chienne NERA sur cette terre, ses proches voisins le prirent tout d'abord en affection, le considérant comme un illuminé, puis le qualifièrent de sorcier ou de démon, mais Fortuné est convaincu de sa démarche et avec l'aide d'un anarchiste Italien arrivé un matin de décembre, il commença à bâtir une maison en dur puis à cultiver le champ, des dépendances s'ajoutent, puis un poulailler, des clapiers pour les animaux voient le jour. Dès 1904, Matha alors directeur du journal "Le libertaire" prévient des anarchistes locaux et voisins, ils arrivent de Mouzon ou de Charleville pour donner un coup de main. L'avenir s'annonce radieux pour Fortuné, il parvient à acheter le terrain malgré ses réticences personnelles à devenir propriétaire. Les colons arrivent et s'installent, l'exploitation agricole s'agrandit très vite avec ces nouveaux arrivants, certains se fixent, d'autres ne font que passer pour écouter les théories de Fortuné. En 1905 des artistes viennent participer à la colonie ou apporter leur soutien, le caricaturiste Montmartrois Théophile Alexandre STEINLEN, Sébastien FAURE ou encore Anatole FRANCE viennent y faire des séjours plus ou moins longs.

Possédant sa propre imprimerie, la colonie va éditer un journal intitulé "Le CUBILOT" qui a pour maxime " Journal international d'éducation, d'organisation et de lutte ouvrière" et comme épigraphe "Les politiciens sont usés, c'est pourquoi nous apparaissons" L'éditorial est signé Jean PROLO pseudonyme de André MOUNIER,  POUGET, MONATTE y tiennent des rubriques, Gustave HERVE signe des articles antimilitaristes, De PRESSENSE Président de la ligue des droits de l'homme y défend des anarchistes inculpés, Le dessinateur STEINLEN illustre les pages de satires anticléricales. Le premier numéro sortira le 10 juin 1906 et parait tous les quinze jours, en janvier 1908, le journal change de nom et s'appelle "Le Communiste" mais cesse sa parution le mois suivant.

Mais outre le journal la colonie publiera toute une collection de brochures dont le premier numéro est paru en février 1906 sous la plume de Jules LERMINA et intitulé "l'A.B.C du libertaire".

Mais cette année 1906 vit apparaître les premières tensions dans le groupe, Fortuné est accusé d'être le dirigeant unique de la colonie et d'être autoritaire, il se défend tant bien que mal mais l'idée de base n'est plus là, son journal, en exportant les idées anarchistes dans les luttes du département, se mêlant des combats antimilitaristes et anticléricaux, va multiplier les procès et les attaques d'une presse jusqu'alors bienveillante, ceux qui voyaient d'un bon œil cette expérience agricole lâchent prise, l'argent vient à manquer, ce qui provoque la disparition du CUBILOT en 1908 et le délitement de la colonie expérimentale.

Une belle idée se meurt, Fortuné remballe son rêve d'essaimage en février 1909, l'essai se solde par un échec, il retourne à Paris et on le retrouve dans les années 1910 au journal d'Emile POUGET, le père Peinard alors proche de la CGT.

Réformé, il ne sera donc pas mobilisable pour la première guerre mondiale.

Il disparaîtra totalement des milieux anarchistes et la date de sa mort est inconnue.

 

 

Les causes...

 

Les rapports humains dans un lieu libre sont toujours très difficiles, les conditions de vie rustique, le manque d'argent, le passage fréquent des donneurs de leçons, philosophes à la petite semaine, les paresseux, les malhonnêtes, la question sexuelle etc... font que les heurts sont inévitables.

Les têtes pensantes et permanentes de la colonie, Fortuné et Mounier sont trop souvent absents, accaparés par le terrain politique et syndical, délaissant ainsi le quotidien et surtout les travaux agricoles.

 

Pour plagier Kropotkine je pense que ces colonies étaient vouées à l'échec car l'on ne peut s'extraire du milieu ambiant en faisant l'économie d'une révolution sociale, Aiglemont contredit en partie cette appréciation car on ne peut nier l'implication des libertaires de la colonie dans les luttes syndicales et révolutionnaires.

 

Je me suis intéressé à cette colonie et aux rassemblements libertaires d'Aiglemont dans les années 70 à 90, chaque intervention de ma part donnant lieu à une affiche sérigraphiée et une carte postale (1976 à 1990) afin de fixer l'événement dans l'histoire. La plupart de ces rassemblements étant interdits, sauvages ou pirates, il ne reste que peu de souvenirs et encore moins d'écrits. Certaines réunions ou conférences se sont tenues à proximité de la clairière de GESLY. Comme dans tous ces mouvements spontanés, il y avait peu de monde, mais ce n'était pas le plus important et comme dirait Ferré "y'en a pas un sur cent et pourtant ils existent"

 

Jacques Camille LARDIE dit JIHEL.

Les documents présentés proviennent des archives de l'auteur.

dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont
dessin Jihel: Aiglemont

LE MARQUIS DE SADE

 

​Ce mot libertaire associé à celui de Marquis va en faire sourire quelques uns très certainement. Enfermé onze ans victime de l'arbitraire royal au donjon de Vincennes et à la Bastille, Sade bénéficiait d'un prestige important dans les milieux les plus révolutionnaires. Il fut libre de 1790 à 1801, date à laquelle victime de la vindicte du Premier Consul il sera interné jusqu'à sa mort en 1814. Il fut donc détenu sous tous les régimes politiques (Monarchie, République, Consulat et Empire) Sade était anarchiste, oui et cette citation parmi des centaines d'autres le prouve "L'homme n'est-il pas partout l'esclave des lois ?" Roland BARTHES le qualifiait du plus libertaire des écrivains alors que Charles Baudelaire disait "Il faut toujours revenir à Sade" Ne vous étonnez donc pas de le trouver dans cette galerie, mon exposé à Aiglemont fut accueilli froidement mais à force de citations et de démentis sur les légendes installées, je suis satisfait d'avoir réintroduit Sade dans son rôle de phare des libertés éclairant le siècle des lumières, un esprit libre et lucide dans l'histoire de la vérité.

 

Merci Donatien, à toujours.

 

JIHEL.

Alexandre STEINLEN, le dessinateur du CUBILOT, dessin hors série certainement publié en 1986.

Jihel Aiglemont
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